Manifestation  - Les Gilets Jaunes - Mercredi 1er mai 2019

TÉMOIGNAGE DE PHIL MARSO

#ACTE25 !

Montparnasse 14h30 vers Place d'Italie

 

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Parti vers 13h de mon domicile pour rejoindre Montparnasse. Premier accroc, les stations Glacière, Saint-Jacques (Ligne 6) étaient fermées. Est-ce un dispositif sécuritaire ou la volonté d'empêcher les gens de manifester. Marche à pied jusqu'au boulevard Edgar Quinet. Je croise pas mal de gilets jaunes repartir en sens inverse de Montparnasse. Arrivée sur la Place Edgard Quinet la rue Odessa est bloquée. Je tente la rue Montparnasse. Il est environ 14h, la manifestation n'a pas encore commencé que le ton de la journée est donnée avec des gaz lacrymos dans l'atmosphère. Je suis pourtant derrière le barrage des CRS, les yeux piquent déjà. Certains passants affirment que les gaz lacrymos sont plus puissants.

Garde Mobile CRS avec quelques éléments de la BAC rue Montparnasse - 14h

J'arrive enfin sur le boulevard du Montparnasse où des tirs sporadiques de lacrymo tombent aux milieux des manifestants. Il fut un temps où les compagnies de CRS se faisaient discrètes et des policiers en civils au sein de la manifestation interpellaient les casseurs. Mais ça, c'était avant ! A deux reprises un mouvement de foule se produit suite à une hypothétique charge de CRS. Aujourd'hui, c'est pourtant le 1er Mai, date historique de la fête des travailleurs. Les syndicats sont présent avec leur propre service d'ordre. Pourtant, les policiers casqués à rayures bleus viennent au contact des manifestants pacifiques. Cherchez l'erreur !

Tombé sur un article du Canard Enchaîné du 24 avril 2019  : « Les fascinantes trouvailles du préfet Lallement » (page 4). En clair le nouveau Préfet de Paris Didier Lallement ordonne aux forces du maintien de l'ordre à ne plus être à distance des manifestants, mais d'employer une nouvelle méthode baptisée : « Tactique du frottement ». L'ordre est d'aller au contact. Comprendre : rentrer dans le tas et interpeller.

Des policiers avec des rayures bleues sur leur casque au contact de manifestants pacifiques

La manifestation enfin démarrent sous un air de Téléphone « Ça c'est vraiment toi » émanant d'une camionnette de la CGT.

Banderole Révolution Gilets Jaunes - Bd Montparnasse

La manifestation est dans une bonne ambiance ! Sur le boulevard Port-Royal sapeurs-pompiers, infirmiers sont applaudis par les Gilets jaunes. Arrivé au croissement du Bd port Royal et du Bd Arago, une compagnie de CRS protège le McDonald's. Des consignes ont été données pour que ne se reproduise pas la dévastation de l'enseigne de la malbouffe à la Gare d'Austerlitz par des Black Bloc, l'année dernière. Vous verrez pas la suite que le commerce de proximité n'est pas logé à la même enseigne.

Une compagnie de CRS protégeant l'enseigne McDonald - C40

Une touche humoristique accompagne le parcours de la manif en bas de l'Avenue des Gobelins. Deux oursons, nous regardent défilés avec une compagnie de policiers qui fait barrage.

Une compagnie de CRS avec deux ours en peluche en bas de l'Avenue des Gobelins

Nous nous engageons sur le boulevard Saint-Marcel. Le ton a changé, puisqu'un dispositif plus musclé est visible rue du Jura. Ça ne présage rien de bon, puisque nous sommes à plus d'un kilomètre de la Place d'Italie, lieu de dispersion. Un canon à eau est déjà visible.

Rue du Jura le canon est visible censé disperser les manifestants récalcitrants

Arrivé à la hauteur de la statue Jeanne d'Arc, un premier blocage de la police ne donne plus accès à la première partie du Bd Saint-Marcel. On force les manifestants à remonter la rue Jeanne d'Arc. Apparemment, il y a un ordre venu d'en haut pour ne pas respecter le parcours de la manif. Je décide néanmoins de rejoindre la librairie Megacom-ik dont je gère ce lieu atypique depuis bientôt 8 ans. Nouveau mot d'ordre de la police, les manifestants sont autorisés à continuer le parcours initial.

Je reste posté devant la porte de la boutique Megacom-ik en simple observateur pour voir la continuité de la manifestation. Mais aussi dissuader quelques éventuels casseurs qui s'en prendraient à mon outil de travail. Une personne gilet jaune m'interpèle : Rejoignez-nous !  Me fait même le reproche d'être là, en simple observateur. Je lui fait comprendre par un nom d'oiseau que j'ai manifesté depuis Montparnasse. Il est vrai qu'aujourd'hui, je ne porte pas de gilet jaune contrairement à quelques Actes (9,14,18) dont j'ai participé. Le 28 novembre 2018, j'avais affiché un drapeau jaune devant ma librairie. Ça faisait tâche dans le quartier pas très populaire et nouveaux riches très indifférent. Trente minutes plus tard, je m'aperçois que les gens rebroussent chemin au croisement du Bd Saint-Marcel et le Bd de l'Hôpital. La police bloque et balance lacrymo. La manifestation est plus dense et ça commence à se resserrer. Un nouveau groupe arrive très coloré avec orchestre de musique, ambiance carnaval.

Il est environ 17h30, la situation se gâte. Les gens commencent à se sentir coincer. En face, on entend des bruits de verre brisés. Des casseurs s'en prennent à l'agence Jacques Decarné Immobilier. On ne comprend pas trop ce qui se passe. Une compagnie de CRS charge au milieu du boulevard Saint-Marcel. Dans l'action, un CRS se prend un pavé et reste au sol. Un groupe de Street-Medics porte secours au blessé. Un peu plus loin, une grande fumée noir jailli. Le chaos s'installe brusquement sur le boulevard Saint-Marcel. Les Street-Medics décident de se mettre devant ma librairie pour faire une pause. Un premier jet de pierre à ras de terre vise un Street-Medics alors qu'il est assis par terre, juste à mes côtés. Des gaz lacrymo sont projetés sur le boulevard. Une pluie de projectiles non identifié tombe. Tout le monde se baisse pour se protéger la tête. C'est là que j'entends un bris de glace. La vitrine de ma librairie vient de morfler. Heureusement aucun blessé.

Certains habitants du boulevard Saint-Marcel donne accès aux immeubles pour que les manifestants puissent ce protéger des deux côté du boulevard Saint-Marcel. Un réflexe citoyen qui je pense à évité d'avoir de nombreux blessés. Il n'y a plus rien à faire concernant ma librairie atypique. Je préfère m'extirper du boulevard pour éviter un coup de matraque où une éventuelle arrestation. Rue Wallon, un barrage de CRS force les gens à remonter la rue Jules Breton. J'explique à l'un des CRS que mon commerce vient d'être cassé. Il me dit, qu'il a des ordres. Je lui propose de présenter ma pièce d'identité. Il me répond : Ça ne prouve rien. Puis, se ravise et me laisse passer pour rejoindre le métro : Saint-Marcel. Un deuxième barrage de CRS à la hauteur d'un commerce de Pompes Funèbres me laisse passer sans rien me demander. Je m'engouffre dans la bouche de métro. En bas, une nouvelle rangée de CRS fait une pause. Je prends le métro pour regagner mon domicile.

Jeudi 2 Mai 2019

Ce matin, je suis revenu à mon commerce pour constater les dégâts. Le côté positif, c'est que la vitrine a en définitive tenue. La boutique Megacom-ik peut reprendre son activité. Le côté négatif, c'est qu'en allant voir mon assureur, j'apprends que pour le bris de glace, je suis assuré au minimum. Ce qui va sérieusement mettre à mal, ma structure indépendante. Je ferais avec, en 31 ans d'existence je me suis toujours relevé.  

Depuis maintenant quelques jours, les gens du quartiers passent devant ma boutique dans l'indifférence générale. Néanmoins quelques habitués de ma librairie viennent aux nouvelles solidairement. Certains, m'ont contacté le soir du 1er Mai pour m'avertir. Je les remercie. L'essentiel c'est que la Boutique Megacom-ik reste ce lieu atypique, universel et convivial.

Phil Marso - Lundi 6 mai 2019

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